LE SUICIDE INVOLONTAIRE

- Bonsoir Nicolas, que fais-tu ? J’ai quelque chose de sympathique à te proposer glissa suavement Laura dans son message téléphonique et vespéral.
- Vraiment ? Sachant qu’à ma fenêtre fumant je regarde tomber la pluie avec cet intérêt démesuré dû au fait que mon appartement n’est pas muni d’électricité, et qu’ainsi je rumine énormément mes idées sans lumière, je ne peux qu’être ravi et te signifier de plein cœur que cette proposition, Laura, t’élève instantanément au rang de messie personnel, merci ! s’exclama Nico, dont le teint avait parcouru les couleurs chaudes de l’arc-en-ciel à la surprise de cette invitation.
- … à vrai dire, je voulais te faire penser à moi, je suis à ma fenêtre en face et je maudis cet arbre qui nous cache l’un à l’autre, je le trouve terriblement cruel…

 Là-dessus, Nico ne se fit pas prier. Il attrapa la hache qui trônait au-dessus de son lit, et à pieds joints sauta par sa fenêtre pour, n’ayant plus que cette idée en tête, abattre l’arbre du mal au milieu de la cour. Animé par une curieuse envie d’inaugurer cette hache de décoration qu’il avait acheté en prison quelques pièces à un ramoneur peu scrupuleux, plus rien ne semblait pouvoir l’arrêter. D’autant plus que l’amour jouait un rôle dans cette course contre l’environnement et l’adage le dit mieux que personne : le cœur a ses raisons que la raison ignore !

On imagine aisément la suite de l’histoire, lorsque le couple enfin réuni du regard pourra transpercer l’obstacle du vide et vaquer à d’amoureuses occupations. Cependant, ce que l’histoire ne nous dit pas, c’est qu’entre leurs yeux embrumés d'espoirs gonflés par leur désir ardent se dressait un fameux spécimen d’érable noir, un arbre aux proportions dantesques qui dans sa vie peut atteindre la taille de 30m sans avoir à se secouer la chique pour autant ! Or, dans son fulgural élan d’homme nouveau, Nico n’y avait pas pensé à cet acer nigrum impertinent, ni que son appartement n’était rien d’autre qu’un rez-de-cime !! La malheureux termina sa course comme laisse supposer ce que l’effet d’une chute de dix étages fait sur l’anatomie humaine. Et après ça, il y en a encore pour nous susurrer avec conviction que l’amour est plus fort que la mort. Marchands de foutaise !

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